Les rats, vecteurs de bactéries antibiorésistantes dans les unités de production animale
Une étude de 2023, publiée par Dominguez et al dans la revue Zoonoses Public Health, a montré que les rats portent des bactéries résistantes aux antibiotiques dans des environnements sensibles tels que les fermes d’élevage.
Contexte
Le rat norvégien (rattus norvegicus) et le rat noir (rattus rattus) sont bien connus en tant que rongeurs nuisibles, considérés comme des porteurs et des diffuseurs de pathogènes d’un animal à un autre. Un problème majeur des fermes d’élevage est l’utilisation généralisée des antibiotiques, qui peuvent être transférés dans l’environnement où ils restent durablement à des niveaux élevés. Cela pourrait être une cause de l’apparition d’antibiorésistance. Les environnements agricoles sont reconnus comme une source d’antibiorésistance, et il pourrait y avoir un transfert de bactéries résistantes aux antibiotiques (et de leur matériel génétique d’origine animale) vers la faune.
Objectifs
Cette étude argentine visait à déterminer quelles bactéries intestinales (Enterobacteriaceae), prélevées sur des rats capturés dans des fermes d’élevage, transportaient des types de résistances aux antibiotiques. Ces informations permettront de mieux comprendre le rôle potentiel des rats en tant que vecteurs d’antibiorésistance.
Méthodes
Un programme de capture vivante a été mis en place dans les fermes. Un total de 56 rats ont été capturés. Parmi eux, 52 étaient des rats norvégiens (R. norvegicus) et les 4 autres étaient des rats noirs (R. rattus). Le programme de capture a été réalisé dans 11 fermes, allant des fermes porcines aux fermes laitières, en passant par les fermes avicoles et mixtes. Les fermes étudiées comprenaient un ou plusieurs hangars pour animaux (comme dans les fermes porcines et avicoles), des granges de stockage de nourriture, des silos, ainsi que d’autres bâtiments humains tels que les maisons des fermiers, des bureaux et/ou des hangars de machines. Les fermes étaient situées dans le centre de l’Argentine, et la collecte des rats a eu lieu entre le printemps 2016 et l’automne 2017. D’accord, bien que cette étude concerne l’Argentine et non l’Europe, elle reste intéressante à lire car il pourrait y avoir des parallèles avec ce qui pourrait être trouvé dans l’étude du Royaume-Uni menée par l’Université de Reading et Killgerm Chemicals. Le monde semble se rapprocher chaque jour un peu plus, c’est pourquoi les comparaisons internationales deviennent de plus en plus importantes au fil des ans.
Résultats
Un total de 53 souches d’E. coli (Escherichia coli) et cinq souches de Salmonella ont été isolées. Celles-ci ont été prélevées sur 50 rats R. norvegicus et trois rats R. rattus provenant de 10 fermes. Les étapes suivantes ont consisté à déterminer la sensibilité aux antibiotiques, les profils génotypiques, la concentration minimale inhibitrice de la colistine (un antibiotique). La présence du gène mcr-1 (un gène de résistance) et des gènes codant pour les bêta-lactamases à spectre étendu (des enzymes produites par certains microbes ou bactéries qui peuvent rendre ces microbes ou bactéries résistants à certains antibiotiques) ont également été recherchées.
58 isolats de bactéries se sont montrés résistants (c’est-à-dire non tués) à différents types d’antibiotiques. Dans le cas des souches d’E. coli, 28 d’entre elles étaient résistantes à plus d’une classe d’antibiotiques et ont donc été classées comme « multirésistantes ». Deux souches de Salmonella étaient également résistantes à plus d’une classe d’antibiotiques et ont été classées comme multirésistantes.
Deux types de Salmonella (S. Westhampton et S. Newport) n’étaient pas sensibles (non tuées) à l’ampicilline ni à tous les céphalosporines (un groupe d’antibiotiques couramment utilisés) testées.
L’une des souches d’E. coli isolées montrait une résistance à la colistine et portait un gène de résistance appelé mcr-1.
De plus, deux souches de Salmonella isolées chez les rats étaient résistantes même aux céphalosporines de troisième génération.
Les souches d’E. coli multirésistantes ont montré divers profils de résistance, certains étant identiques chez différents rongeurs et dans différentes fermes. Avec six profils de résistance identiques, cela constitue un début de preuve que des souches de bactéries résistantes se propagent.
Conclusion principale
L’étude montre que les espèces de rats nuisibles jouent un rôle potentiel dans la diffusion de l’antibiorésistance entre les animaux, les humains et les réservoirs environnementaux. Il s’agit d’une préoccupation croissante et émergente pour la santé mondiale, touchant les animaux, les humains et l’environnement.